14 Avr Entrevue avec la formatrice de la formation Fidéliser, puis recruter efficacement

Dans le cadre de la série d’entrevues, portrait des formateurs et formatrices de Cégeps et cies, Capitale-Nationale, découvrez la formatrice de la formation Fidéliser, puis recruter efficacement, madame Marie-France Godin.
Entrevue entre Louis-Nicolas Robert (LNR), conseiller en formation aux entreprises à Cégeps et Cies, Capitale-Nationale et Marie-France Godin (MFG), conseillère stratégique en ressources humaines et accompagnatrice en gestion de carrière à Mission GRH.
Question 1 (LNR) : Quels sont les trois plus grands défis actuels en ressources humaines pour les entreprises québécoises? Pourquoi?
Réponse (MFG) : D’abord, je dois te dire que c’est une excellente question. Cela fait à peu près 21 ans que je travaille dans le domaine des ressources humaines et il m’arrive, à quelques occasions, de réfléchir à ce que mes professeur(e)s me disaient lorsque j’étais sur les bancs d’école à l’Université. Avec du recul, il y a plusieurs sujets qui semblent revenir encore et encore. C’est un peu comme le dit l’adage: « Plus ça change, plus c’est pareil ». Mais, il y en a trois qui méritent particulièrement l’attention (ou qui devraient avoir de l’attention) soit : la technologie, le télétravail et la gestion de carrière.
La technologie
Plusieurs auteur(e)s mentionnent que nous sommes dans la 4e ère industrielle. Le bouleversement de cette nouvelle étape, comporte ceci de particulier que la technologie est partout dans nos vies et change à une vitesse grand V (https://www.uottawa.ca/gazette/fr/nouvelles/quatrieme-revolution-industrielle-arrive-etes-vous-prets#).
Du même coup, les organisations sont composées d’employé(e)s qui maîtrisent très bien, ou pas du tout, cette technologie. À cela, on ajoute la pénurie de main-d’œuvre. Aussi, dans le domaine de la gestion des ressources humaines, les outils technologiques sont devenus incontournables (gestion des horaires, outils de sondage organisationnel, recrutement, etc.). Malheureusement, ce ne sont pas tous les employé(e)s qui peuvent conjuguer avec cela.
Question 2 (LNR) : Si je lis entre les lignes, les employé(e)s ou candidat(e)s à un poste doivent toujours s’adapter et développer leurs compétences numériques, même en pénurie de main-d’œuvre, car sinon, d’autres employé(e)s ou candidat(e)s seront choisi(e)s à leur place? L’amélioration continue est obligatoire sinon ton avenir n’est pas assuré?
Réponse (MFG) : En effet, les employé(e)s doivent pouvoir s’adapter. Cependant, de là à dire qu’ils ou elles seront remplacé(e)s, ce n’est pas si certain étant donné la pénurie de main-d’œuvre. En revanche, peut-être que l’automatisation pourrait être un risque pour les emplois dont les tâches sont moins complexes et plus répétitives.
En fait, les employeur(euse)s ont besoin d’employé(e)s et donc, ne sont pas en position d’en perdre, et ce, même si ces dernier(e)s sont moins compétent(e)s technologiquement parlant. À mon avis, il faut alors que les organisations trouvent une façon de faire participer tous et toutes les employé(e)s mêmes les moins compétent(e)s. Cela inclut effectivement la nécessité de les former, du mieux de leurs capacités.
L’implantation d’une technologie est un gros changement et il faut s’assurer que même les moins habiles avec cette dernière puissent contribuer et, dans le cas contraire, être pris(e)s en charge (exemple d’accompagnement pour se replacer sur le marché de l’emploi).
Plus précisément, j’avais en tête l‘exemple d’un projet de recherche en cours actuellement et dont on m’avait parlé, le domaine des assurances (https://fsc-ccf.ca/fr/projets/faire-face-au-defi-de-la-transformation-numerique-dans-le-secteur-des-assurances-femmes-au-travail/). Les objectifs de ce projet sont, entre autres, d’évaluer l’ampleur et l’impact de la transformation numérique précisément sur le travail des femmes œuvrant dans le domaine de l’assurance et de voir à développer différents outils, tels que la formation et aussi des processus d’accompagnement vers un recyclage professionnel ou un soutien en matière de réorientation de carrière. Il faut donc envisager de prendre en main les risques humains associés à la transformation numérique.
Question 3 (LNR) : Très intéressant d’apprendre que les spécialistes en ressources humaines comme toi se sentent préoccupé(e)s par les risques humains qu’engendrent une transformation numérique.
Au début du mois de mars 2022, le gouvernement québécois a mis fin à la plupart des mesures contraignantes imposées pour contrer la pandémie de COVID-19. Cette dernière a permis au monde entier de goûter à une pratique qui est demeurée, en partie, dans la plupart des milieux de travail : le télétravail.
Réponse (MFG) : Le télétravail
En effet, le télétravail, à cause (ou grâce, selon le camp que l’on occupe) de la pandémie que nous avons vécue en 2020, est devenu, non seulement un incontournable, mais la démonstration de sa faisabilité et de son efficacité a été faite, sans équivoque. Les employeur(euse)s ne peuvent plus se mettre la tête dans le sable.
Actuellement, on voit une certaine disparité entre les gens qui sont en accord avec la poursuite du télétravail, et d’autres sont plus du côté du retour à la normale (ou l’avant-pandémie). Ce clivage n’est cependant pas très surprenant. Avant la pandémie, on pouvait sentir que les gestionnaires avaient des doutes sur son efficacité (ou sur le fait que les employé(e)s travaillaient vraiment lorsqu’ils étaient en mode télétravail). Maintenant, est-ce que cette dichotomie pourrait avoir un effet sur la motivation des employé(e)s? J’en suis assez certaine. En revanche, je suis tout de même de ceux et celles qui pensent qu’il n’y a rien comme les contacts physiques pour tisser des liens.
En revanche, un des éléments qu’ont fait ressortir les employés comme étant un irritant est le fait que les employeur(euse)s obligent leurs employé(e)s à se présenter au bureau, disons trois fois par semaine, mais que lors de leur passage, ces derniers font juste des réunions via Teams. À mon avis, le meilleur compromis serait probablement, de planifier des journées de présence physique au travail, obligatoires pour tous, et en profiter pour faire des activités de teambulding.
Question 4 (LNR) : Que dire de l’autre bouleversement causé par la pandémie : « Est-ce j’aime vraiment mon travail »?
Réponse (MFG) : La gestion de carrière
En effet, ça prend parfois des crises pour ouvrir les yeux.
On parle depuis un petit bout de temps de la pénurie de main-d’œuvre, mais la pandémie a obligé certaines personnes à se questionner profondément sur leur relation avec leur emploi. Une partie de la population qui a senti le besoin d’explorer de nouveaux emplois ou de nouvelles carrières.
Ce que l’employeur(euse) doit analyser, ce sont les raisons plus fondamentales derrière les démissions. Derrière un changement, il y a une multitude de facteurs qui culminent vers la décision finale de changer.
Question 5 (LNR) : En effet, il semble que la pandémie ait permis à certaines personnes de se requestionner sur les raisons de leur choix professionnel ou carrément à passer à autre chose.
Concernant votre deuxième partie de la réponse, pourquoi l’employeur(euse) devrait-il se questionner sur les raisons plus fondamentales derrière ces démissions? L’employeur(euse) a-t-il vraiment encore le temps de choisir le ou la « candidat(e) parfait(e) » qui, d’ailleurs, n’existe peut-être que dans sa tête au lieu d’engager des profils atypiques ou des CV moins orientés vers l’emploi? Les directions des ressources humaines sont-elles obligées de constater qu’elles ne peuvent plus décider en fonction de leurs anciens critères et qu’elles aussi doivent s’adapter et changer?
Réponse (MFG) : Je pense que ce n’est pas une question de temps, mais de gestion du risque, car non, ils n’ont pas le temps et doivent donc se questionner : Est-ce que je prends la première personne disponible, peu importe ses compétences? Ou est-ce que j’attends et j’utilise la créativité pour que le travail se fasse quand même le temps de trouver la bonne personne? Par exemple, si j’ai besoin d’un plombier(e) de façon urgente, je ne peux pas me permettre d’embaucher un électricien(ne). Pressée ou pas, je devrai attendre le ou la prochain(e) plombier(e) disponible. D’ici là, puis-je collaborer avec d’autres organisations ou carrément refuser des contrats?
Sans vouloir jouer à la « gérante d’estrade », dans la mesure où un employeur gère ses ressources humaines de façon intégrée à l’ensemble de leurs processus en ayant une personne des RH au comité stratégique, personne ne devrait se retrouver le bec à l’eau ou comme la cigale dans la fable de la Cigale et la fourmi.
Maintenant, une fois que l’on constate que malheureusement, nous sommes en réaction, donc qu’il est minuit moins 1 minute, il faut effectivement être créatif(ve), faire place aux CV atypiques et élargir nos critères de sélection pour viser le « potentiel de compétence », si la compétence en tant que telle n’est pas totalement disponible.
Question 6 (LNR) : Que dirais-tu aux PME qui n’ont pas de personnel à temps plein en ressources humaines et qui, malheureusement, sont souvent en « mode pompier » ?
Réponse (MFG) : Il est évident que, pour les petites entreprises l’embauche, d’une personne spécialisée et formée en gestion des ressources humaines, peut représenter un enjeu financier important.
Cependant, si comme tu le mentionnes, ces organisations ont constamment des « feux à éteindre », c’est peut-être un signe qu’il manque, dans cette organisation, une structure qui permettrait de planifier et ainsi, d’éviter de toujours être en réaction. L’aide d’une personne spécialisée est souvent essentielle.
Face à ce besoin, il y a différentes options qui peuvent s’offrir aux PME. Tout d’abord, il est possible d’offrir des stages et ainsi, donner la chance à de futur(e)s professionnel(le)s d’apprendre les ficelles du métier. Toutefois, les institutions scolaires exigent généralement que l’étudiant(e) en stage puisse se référer à une personne détenant les compétences en la matière pour l’encadrer au sein de l’organisation qui le ou la reçoit comme stagiaire. Ce type de solutions peut être parfait si la problématique se retrouve dans un nombre insuffisant de ressources pour être en mesure de mettre en place une structure et des processus efficaces.
Évidemment, il est toujours possible de collaborer avec des consultant(e)s pour, du moins, bâtir les principaux processus et une structure des ressources humaines. Enfin, il est également possible de former des ressources à l’interne. Différentes tâches reliées aux ressources humaines peuvent être réalisées par des personnes qui n’ont pas de formation, à proprement dit, dans ce domaine.
Question 7 (LNR) : Pour conclure, Marie-France, pourrais-tu nous décrire brièvement une des formations que tu donnes à Cégeps et cies, Capitale-Nationale, Fidéliser, puis recruter efficacement?
Réponse (MFG) : Dans le cadre de cette formation, nous fournirons des outils aux participant(e)s pour leur permettre de réussir à mettre en place les essentiels de la gestion des ressources humaines que sont, entre autres, le recrutement et la fidélisation des employé(e)s. Cette formation, orientée sur le concret, s’adresse justement à des gens qui n’ont pas nécessairement de formation en gestion des ressources humaines (GRH).
Divisée en deux parties, soit fidéliser et ensuite recruter, elle se dispense en quatre demi-journées. La première partie vise donc l’aspect de la fidélisation. Les objectifs de cette partie de la formation sont, entre autres, d’apprendre comment bien planifier et organiser une intégration enrichissante et mobilisant de nouveaux employé(e)s. De plus, la formation vise à apprendre des trucs pour utiliser les stratégies efficaces pour la formation de ces derniers. Une fois les employé(e)s fidélisé(e)s, nous apprenons, dans la deuxième partie, à utiliser le soutien des employé(e)s à l’interne afin de mettre en place une stratégie de recrutement et d’embauche alignée sur les besoins actuels et le futur de l’organisation.
LNR : Marie-France Godin, merci beaucoup pour cette entrevue!