Dans le cadre de la série d’entrevues, portrait des formateurs de la formation Leader en transformation numérique, découvrez un de nos formateurs de la formation!

Entrevue entre Louis-Nicolas Robert (LNR), conseiller en formation aux entreprises à Cégeps et Cies, Capitale-Nationale et Frédérick Guillot (FG) de l’entreprise Co-operators.

Question 1 LNR : Pouvez-vous d’abord nous proposer des exemples précis de types de données qu’on retrouve dans une entreprise de services et ensuite, dans une entreprise manufacturière qui, par exemple, aura des équipements et une chaîne de montage?

Réponse FG : Avec l’émergence des technologies et d’internet, on a assisté dans les dernières années à une explosion des types de données. Tout d’abord, dans le cas d’une entreprise de services, on dispose depuis longtemps de données structurées qui sont générées par les systèmes opérationnels utilisés par les entreprises pour accomplir leurs opérations, par exemple les systèmes servant à émettre et gérer les polices d’assurance et à régler les réclamations dans le cas d’une compagnie d’assurances.

La caractéristique principale des données structurées est, comme son nom l’indique, la présence d’une structure définie qui permet à un utilisateur d’utiliser relativement facilement ces données, par exemple pour faire des statistiques sur les ventes ou les coûts, voir même des visualisations permettant de suivre les opérations de l’entreprise. Un exemple classique de données structurées se trouve dans les données comptabilisant les fiches clients, ou encore les diverses transactions réalisées par l’entreprise de services lors de ses opérations. Dans la plupart des cas, on reconnaît les données structurées par la forme de la base de données, laquelle s’apparente à un tableau de type fichier Excel où chaque ligne correspond généralement à une entrée de donnée, et chacune des colonnes représente un champ de données que l’on souhaite capturer comme le nom et les coordonnées des clients, ou encore les dates des transactions ainsi que les montants d’argent correspondant à ces transactions.

Dans le cas d’une entreprise manufacturière, on retrouve la plupart des types de données présentes dans une entreprise de services, mais on ajoute typiquement les données de production qui sont majoritairement générées par l’équipement dont les usines disposent pour fabriquer leurs produits. Si certains appareils vont aussi produire des données structurées s’apparentant à des transactions (dans ce cas précis, il s’agit plutôt de “journaux opérationnels”, communément appelés “logs” en anglais). On trouve de plus en plus d’appareils qui capturent aussi des données de type “non structurées”, par exemple des images du produit fini dans lesquels un ordinateur peut “voir” (à l’aide de l’intelligence artificielle) si le produit est défectueux ou non, ou encore des données sonores telles que des vibrations d’appareils qui peuvent servir à détecter proactivement des bris éminents dans l’équipement.

Question 2 LNR : Merci d’avoir fait la distinction entre données structurées et non structurées. Si on revient un peu en arrière, pouvez-vous nous lister les différentes sortes de données qu’on peut retrouver en service et en manufacturier ?

Par exemple, dans une entreprise de services, on a les entreprises financières et les données sur les clients? Qu’est-ce qu’on peut retrouver d’autres comme données ?

Réponse FG : Tout d’abord, il est important de rappeler que la plupart des données présentes dans une entreprise de services se retrouvent généralement aussi dans le secteur industriel. En plus des données sur les clients et les transactions, on pourrait aussi ajouter les données sur les campagnes marketing, les données générées par les médias sociaux, ainsi que la panoplie de données ouvertes dont disposent les entreprises qui en utilisent certaines, par exemple, dans un contexte de planification de la demande ou des ventes.

Si on revient au secteur manufacturier, on doit absolument mentionner les données créées par la machinerie utilisée pour fabriquer les produits.

Dans ce contexte, on retrouve généralement des données structurées comme les données sur le design et la configuration des produits, ainsi que les plans de production, le matériel utilisé et les données d’approvisionnement.

Selon l’industrie, il arrive parfois qu’on soit aussi en mesure de collecter des données sur le statut des produits à divers moments sur la chaîne de production. Un exemple classique d’application de ces données est notamment dans le calcul de la quantité de produit qui sort chaque heure par employé sur un segment donné de la chaîne de production.

De plus en plus d’appareils manufacturiers produisent eux aussi des données qui peuvent varier de structurées à semi ou encore non-structurées. Par exemple, la quantité d’eau ou d’air requise pour opérer une machine, ou encore la consommation énergétique de la machine ainsi que sa température et le niveau de bruit que cette machine émet. Notons qu’une application directe de l’utilisation de ce type de données peut être utilisée par une entreprise manufacturière pour mieux planifier les maintenances requises sur ses appareils et ainsi éviter des bris majeurs pouvant interrompre la chaîne de production et générer parfois des pertes financières importantes pour l’entreprise.

Finalement, on retrouve aussi beaucoup de données sur le niveau de qualité des produits qui sortent, par exemple des données non structurées d’images du produit fini pouvant être analysé par une intelligence artificielle à des fins de contrôle de qualité.

Question 3 LNR : En entreprise de services, on a quand même une bonne variété de données non négligeables et en manufacturier, le nombre de types de données augmente parce que les équipements et la chaîne de montage peuvent en générer un bon nombre. La grande question qui me vient en tête c’est : qu’est-ce que je fais avec ses données et elles me serviront à quoi dans l’entreprise et elles seront utilisées par qui ? Peux-tu Frédérick nous donner des exemples précis sur à QUOI et à QUI les données peuvent servir ?

Réponse FG : C’est une excellente question! J’en profite pour mentionner que c’est possiblement LA grande question à se poser avant d’entreprendre tout projet lié aux données dans un contexte de transformation numérique, car si on y pense, tout le travail nécessaire pour extraire, transformer et analyser les données représente un coût significatif pour une entreprise qui se lance dans cette aventure. On doit donc toujours garder à l’esprit la création de valeur d’affaires qui est créé avec ce que l’entreprise va faire ainsi avec ces données et surtout comment ceci l’aidera à prendre de meilleures décisions.

Un premier exemple qui me vient en tête est de créer des rapports ou des tableaux de bord qui permettent de suivre la production. Que ce soit, par exemple, pour visualiser en temps réel la quantité de produits qui sort d’une chaîne de production par heure et par employé, ou encore pour monitorer les coûts de la matière première mois après mois, ce type d’analyse est appelé analyse descriptive et se concentre sur la question « qu’est-ce qui s’est passé? ». Elle permet aux gestionnaires de l’entreprise de diagnostiquer et d’intervenir rapidement pour corriger le tir si un problème survient, par exemple un ralentissement ou l’arrêt complet de la cadence de production. Sinon, cela peut amorcer des discussions avec les fournisseurs lorsque les coûts des matières premières augmentent significativement.

Lorsque l’entreprise a atteint un niveau de maturité avec sa capacité à extraire ses données et à tirer un maximum de profit des analyses descriptives, elle peut se lancer dans l’analyse prédictive ou prescriptive.

En pratique, ceci pourrait se concrétiser par la création de modèles mathématiques basés sur l’apprentissage machine (appelé machine learning en anglais) pour par exemple aider à prédire la probabilité d’un prochain bris d’appareil spécifique, et ainsi minimiser les coûts liés à l’arrêt de la production et aux réparations en effectuant, en amont, une maintenance de l’appareil en question.

Un autre exemple pourrait être d’utiliser les mêmes technologies d’apprentissage machine pour prédire la qualité ou la quantité des produits en fonction des différentes configurations de produits et plans de production et se servir de ses prévisions pour optimiser l’efficacité de production.

Finalement, je ne peux pas passer sous silence les applications de plus en plus nombreuses de la vision informatique ainsi que des intelligences artificielles de plus en plus sophistiquées qui émergent pour aider à garantir la qualité des produits qui sortent d’une usine. Que ce soit une simple application de vision informatique qui détecte des fissures sur des écrans de télévisions à la sortie d’une chaîne de montage, ou encore une intelligence artificielle qui détecte les anomalies sur les ailes d’un avion en combinant des données de conductivité électriques, les possibilités sont quasiment infinies dans ce domaine, et nécessitent généralement une approche adaptée aux besoins spécifiques de l’entreprise selon ce qu’elle produit.

En terminant, je me permets de réitérer que l’analyse prédictive ou prescriptive est significativement plus avancée que l’analyse descriptive. Ce faisant, il est nécessaire d’avoir atteint un bon niveau de maturité en ce qui concerne la capacité de l’entreprise à extraire, transformer, analyser et comprendre ses données. De plus, il est aussi nécessaire pour l’entreprise de se doter de gens qui détiennent une expertise soit en statistiques, en apprentissage machine ou encore en intelligence artificielle afin d’assurer la qualité des analyses prédictives ou prescriptives.

Question 5 LNR : Je comprends mieux à quoi ça sert. Maintenant, si je me base sur vos réponses, je peux déduire à qui cela peut servir. À propos des données de tableaux de bord, elles permettent de fournir des informations aux gens responsables d’une chaîne de montage ou à ceux qui s’occupent des équipements et cela inclut les réparateurs et l’assistance technique machine. J’imagine bien que par la suite, ces mêmes données pourront servir à la direction de la production pour mieux optimiser le travail ou vérifier que les objectifs quantitatifs et qualitatifs sont atteints.

Qu’en est-il des données en temps réel ou quasi réel, j’imagine qu’il s’agit encore des données liées au fonctionnement des machines ?

Réponse FG : Les machines sont effectivement de grandes sources de données en temps réel ou quasi réel. D’une part, on retrouve de plus en plus de machines qui viennent directement avec divers senseurs intégrés, et plusieurs fournisseurs offrent même aux manufacturiers des services en temps réels pour accéder à des tableaux de bord de ces données. Ceci m’amène à exposer l’importance, pour les manufacturiers, à bien réfléchir à leur stratégie vis-à-vis les données, car si les solutions clé en main des fournisseurs permettent généralement d’aller plus vite et de gagner du temps à court terme, elles peuvent parfois avoir des désavantages, par exemple manquer de flexibilité ou encore restreindre le manufacturier à se procurer la plupart de ses appareils du même fournisseur, notamment afin d’avoir la capacité de fédérer les données de plusieurs machines.

Au niveau de la question de « à qui ces données en temps réel servent-elles », encore une fois, elles sont d’une grande utilité pour les gestionnaires des opérations sur le plancher. Par exemple, si jamais une chaîne de montage se retrouve complètement arrêtée ou encore ralentit pour quelque raison que ce soit, l’information de cadence transmise en temps réel aux gestionnaires leur permettra d’agir rapidement en diagnostiquant et en réglant les problèmes et ainsi rétablir la cadence de la chaîne de montage.

Les données en temps réel sont aussi très utiles pour les employés qui travaillent directement sur les chaînes de montage. En effet, certaines usines implantent, ces jours-ci, des écrans sur leurs chaînes de montage qui donnent accès à des métriques de production simplifiées et souvent associées avec un code de couleur de type vert/jaune/rouge. Il a été démontré à plusieurs reprises que ce type d’indicateur contribue à améliorer la productivité globale dans le secteur manufacturier, notamment parce que les employés ont accès en temps réel à leurs niveaux de performance, créant ainsi un incitatif à se distinguer pour répondre aux attentes et objectifs de production.

Question 6 LNR : Nous n’avons pas abordé les données financières ? Selon vous, les entreprises ont-elles déjà intégré les bonnes pratiques, comme par exemple, créer des alertes quand les flux de trésorerie atteignent un niveau critique ?  Suivi automatique de la relance des facturations, etc.  Que voyez-vous que les entreprises de services et manufacturière doivent surveiller d’un point de vue financier ?

Réponse FG : Je ne suis pas un expert des processus financiers des entreprises manufacturières, mais la plupart des manufacturiers avec lesquels j’ai eu l’occasion de discuter récemment m’ont confié avoir pris la décision d’implanter des processus d’intelligence d’affaires pour suivre leurs finances. Personnellement, je trouve ce choix très judicieux et logique, d’une part parce que les données financières sont généralement très structurées, peu volumineuses et faciles à connecter avec un environnement d’intelligence d’affaires et, d’autre part, parce que cette utilisation génère des bénéfices immédiats pour l’entreprise, faisant ainsi un bon candidat pour un premier projet d’intelligence d’affaires.

Question 7 LNR :

En conclusion, Frédérick, pourquoi vous nous conseillez de suivre la formation Leader en transformation numérique ?

Réponse FG 

C’est une très bonne question. Tout d’abord, je dirais que cette formation s’adresse particulièrement à la personne responsable d’opérer la transformation numérique d’une entreprise manufacturière. Toutefois, des employés d’entreprise de services ont déjà suivi la formation et l’ont jugé très pertinente. De plus, la formation est très complète, car elle couvre les divers aspects de la transformation numérique de bout en bout. Elle aborde des thèmes cruciaux de la réussite vers un virage numérique, des technologies numériques jusqu’à la gestion du changement, le tout, bien sûr, en passant par le module sur les données, dont j’ai le plaisir d’être le formateur.

Le module sur les données commence par positionner les données comme un actif de la compagnie à part entière, tout comme les ressources humaines, par exemple. Nous abordons ensuite divers thèmes sur les données, en approfondissant les types de données dont nous avons discuté plus tôt.  De plus, on couvre plus en détail les aspects importants liés à la qualité des données ainsi qu’aux divers outils pour extraire, manipuler et analyser les données. On termine par une discussion stratégique qui met les données et l’analytique au centre du plan d’affaire de transformation numérique de l’entreprise. Finalement, on y voit alors les éléments sur l’adoption, la gestion du changement et la gouvernance des données.

Réponse de LNR : Merci Frédérick Guillot, ce fut un plaisir.